Modernités plurielles : le dernier accrochage de la collection permanente du centre Georges Pompidou

 

Amédée Ozenfant, Les Quatre Races, 1928

Amédée Ozenfant, Les Quatre Races, 1928

Le dernier accrochage, initié par la commissaire Catherine Grenier à Beaubourg tient compte de la globalisation de la scène artistique. Que nous le voulions ou pas, nous vivons dans un monde multipolaire ; alors, élargissons nos horizons à l’art extra-occidental ! Le titre même « Modernités plurielles » annonce l’abandon de » la conception occidentale, linéaire, de La Modernité, vision tronquée, partisane ».

A l’entrée de l’exposition, le grand tableau du français  Amédée Ozenfant (1886-1966), Les quatre Races, avec ces personnages massifs et mal dégrossis, aux couleurs marron et noires posées en aplats, n’est il pas installé là par provocation, pour choquer le « bon goût » ? Je le trouve vraiment très moche ! Mais ne nous laissons pas impressionner ! Je connais la richesse de la collection du Musée National d’Art Moderne ; je vais certainement me régaler !

En revanche, la sculpture totémique de l’artiste argentine Alicia Penalba, Hommage à Cesar Vallejo, 1955-60, m’impressionne ! Le mur à droite est couvert de reproductions de couvertures de magazines d’art et de design du monde entier, en contexte avec les œuvres. Très esthétique, cette présentation évoque l’effervescence artistique et intellectuelle de l’époque mais nous étouffe ; comme les images sont petites, même en se tordant le cou, on ne peut lire les titres de revues.

Alicia Penalba, Hommage à César Vallejo, 1955-60

Alicia Penalba, Hommage à Cesar Vallejo, 1955-60

Dans la salle 2 sont exposés un amoncellement de statuettes et d’objets dans des vitrines murales, et de petits tableaux sur plusieurs rangées. Les titres des œuvres, listés à gauche ou à droite sur le mur, précédés d’un numéro, reporté sur un plan  en miniature, obligent à une gymnastique visuelle. Quelle galère pour retrouver à quels numéros correspondent  les œuvres et comprendre quelque chose ! C’est énervant et très désagréable ! Idem dans la salle 3. Soit l’accrochage est raté, soit les responsables de Beaubourg n’aiment pas le public ! Sachant qu’il y a 42 salles à visiter, je m’inquiète..

Heureusement, un peu plus loin l’accrochage s’aère :Il est intéressant de voir des portraits cubistes de Picasso confrontés aux masques africains et océaniens – empruntés au Musée du Quai Branly – qui  ont inspiré ces formes  angulaires. Puis, la visite devient passionnante.

L’exposition a été véritablement conçue sous le signe de la diversité et de l’ouverture :

–   aux autres continents, Amérique latine, Inde, Afrique, Moyen-Orient, Extrême Orient ;

–  à différentes disciplines, Sculpture, Photographie, Cinéma expérimental, architecture ;

–  aux Arts appliqués : deux étonnantes mosaïques d’après les cartons de Sonia Delaunay, et même aux Arts populaires avec un batik du Nigeria représentant une scène villageoise (section . »Afrique moderne », salle 36)

– aux femmes artistes du monde entier.

Cet accrochage surprenant est le fruit d’un regard nouveau sur l’art de 1900 aux années soixante. Mais l’ensemble est énorme ! Comment tout appréhender en quelques heures ? Comment choisir devant quelle œuvre s’arrêter pour contempler et approfondir la réflexion ? J’avoue avoir dû faire deux visites d’environ deux heures pour y parvenir !

Courage ! Je vous dis brièvement les œuvres que j’ai aimées :

– Salle 4, les tableaux aux couleurs tendres d’Henri Valensi (1889 Algérie – 1940 France)

Henry Valensi, Mariage des Palmiers, Bou-Saada, 1921

Henry Valensi, Mariage des Palmiers, Bou-Saada, 1921

 

–  Salle 6, le film futuriste d’Eugène Deslaw, La Marche des Machines, 1929

– Salle 10, dans la section « Modernités américaines », les tableaux réalistes 

Alexandre Hogue, Oils in the Sandhills

Alexandre Hogue, Oils in the Sandhills

d’Alexandre Hogue (Missouri 1898 – Oklahoma 1994)

 

 

 

 

 

– Salle 11, « La Fabrique moderne » , découverte d’un patchwork de Man Ray et d’une tapisserie de Jean Arp et Sophie Taüber Arp , Symétrie poétique.

– Dans la section « Construire la Révolution », vu pour la première fois la maquette du Monument à la 3ème Internationale (1919-20) de Vladimir Tatline -réalisée en 1970.

– Salle 17, découverte du curieux mouvement  brésilien Anthropophagie : après avoir fréquenté les avant-gardes parisiennes, les artistes autochtones revendiquent » l’absorption de l’ennemi sacré pour le transformer en totem »( in Oswald de Andrade, Manifeste anthropophage, 1928),  ce qui signifie manger l’art occidental pour en faire un art indigène. j’ai particulièrement aimé les tableaux  faussement naïfs de  Tarsila do Amaral (Brésil 1886-1973)

Tarsila do Amaral, A Cuca, 1924

Tarsila do Amaral, A Cuca, 1924

– salle 18, l’Indigénisme, très proche du précédent mouvement, représenté par des artistes brésiliens et mexicains.

– Section « Art Déco », j’ai apprécié le film de Joe Francis et Alex Nalpas de 1921, The Plantation, avec Joséphine Baker dansant à un rythme endiablé, roulant les yeux…

– Salle 22, un mur du cabinet d’André Breton a été reconstitué, avec les statuettes extra-européennes et les petits tableaux modernes de ses amis.

– Salle 26, section « Réalisme social« , superbe tableau d’Otto Dix, (Allemagne 1891-1969)« Souvenirs de la Galerie des glaces à Bruxelles, 1920. – il y a quelques décennies, on appelait ce mouvement « Expressionnisme allemand » –

Otto Dix, Souvenirs de la Galerie des Glaces à Bruxelles, 1920

Otto Dix, Souvenirs de la Galerie des Glaces à Bruxelles, 1920

 

– Salle 35, « l’Art Brut international »

– salle 36, « l’Afrique moderne »

– salle 39 « Modernités orientales »

– Salle 40, superbe maquette en béton de l’Eglise de la Lumière, Osaka, 1987-89, de Tadao Ando

 

 

Je m’arrête. Profitez des terrasses réaménagées ! Les statues en bronze de Max Ernst veillent sur les toits de Paris.

Max Ernst, Capricorne, 1948-64

Max Ernst, Capricorne, 1948-64

 

 

A propos Françoise Delaire

historienne de l'art
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