Quand j’ai vu pour la première fois des oeuvres de Gerhard Richter, au Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne, j’ai été fascinée par ses « Abstracte Bilder« ; ces tableaux aux couleurs vives suggèrent pour moi des paysages abstraits. L’exposition du Centre Pompidou rassemble une quantité de ces tableaux impressionnants par leur format immense. J’ai retrouvé les monochromes gris des années soixante-dix, que je n’aime pas. C’est neutre, c’est plat, ennuyeux et triste ! Mais l’effet est très sûrement voulu par l’artiste. C’est le mode d’expression d’une mélancolie ; d’une angoisse ? quand Gerhard Richter revit le traumatisme de la guerre.
Ce qui m’a le plus interessée est justement la façon dont il se confronte à l’histoire difficile de son pays, par la peinture. En étant attentif, on repère en effet tout au long de la visite les références à l’histoire de l’Allemagne.
Gerhard Richter peint d’après des photos de presse, comme Bombardiers, 1963, ou d’albums de famille : « Onkel Rudi » est peint en 2000, d’après une photo prise deux ans avant qu’il meure à la guerre. En uniforme de la Wehrmacht, on dirait même qu’il pose devant le mur de Berlin ! (imagination de ma part ? en tous les cas, l’analogie visuelle est forte). j’apprécie cette interrogation du paradigme peinture/photo. La matière de l’oeuvre est lisse ; la peinture fait écran. L’image est à la fois précise et floutée. – résultat du passage d’un large pinceau sec, très doux, sur la matière à peine sèche -.Ces peintures « comme des photographies » troublent le spectateur. On se demande si c’est une photographie, ou un peinture, si une photographie rend mieux la réalité ?
Gerhard Richter est un des rares artistes à avoir présenté en peinture, en 1988 et 1989, cette épisode dramatique et compliqué de l’histoire allemande plus récente : la mort des leader de la « Rote Amee Fraktion » (La Bande Baader-Meinhof) dans la prison de Stammheim le 18 octobre 1977 . Dîtes-moi si vous connaissez un autre peintre qui ait traité ce sujet ! Ces oeuvres sont assez effrayantes : on distingue à peine des ombres de personnages. On ne sait pas si ce sont des apparitions ou des disparitions !
En revanche, contrairement à « Lunettes Rouges« , je suis passée devant Septembre, 2005, sans le voir ; c’est si gris, si fumeux ! Je n’ai pas percuté, Pas distingué les tours jumelles, pas perçu la référence au 11 septembre 2001.
Gerhard Richter a même peint Queen Elizabeth, 1967, d’après une photographie de
1964. Ce portrait est actuellement exposé à la London National Portrait Gallery jusqu’au 21 octobre 2012. Cette peinture a été choisie comme couverture du numéro de juillet/aout du magazine Art Actuel.
La rétrospective de Beaubourg présente bien la richesse du travail de Richter qui a abordé tous les genres de la peinture avec la même virtuosité.
Il a même revisité des chef-d’oeuvres de l’histoire de l’art : L’annonciation d’après Titien, en 1973. – le tableau de Titien date d’environ 1535 -. Deux tableaux de cette série de cinq sont exposés dans la deuxième salle. Richter a progressivement estompé le motif sur chaque toile. Au contraire, La Lectrice d’après Vermeer, 1994 – l’oeuvre de Vermeer date de 1659 – est peinte « comme une photographie » ; l’image est étonnamant lumineuse.
L’artiste a aussi créé des sculptures minimalistes en panneaux de verre. Une façon de rappeler que la peinture est une fenêtre ouverte sur le monde. Une structure de panneaux de verre est une autre forme de représentation plastique.
L’accrochage est assez neutre ; les grands tableaux abstraits sont très bien mis en valeur, à la lumière naturelle, dans les vastes espaces vitrés du dernier étage. Les commissaires de l’exposition ont évité le principal écueil : on ne se sent pas accablé par une quantité d’oeuvres trop importante.
Si vous avez le temps, regardez la vidéo de l’interview de l’artiste ( 1993). On peut le voir travailler les » Abstrakte Bilder » perché sur un escabeau, armé d’un pinceau long de quatre mètres.
Jamais Gerhard Richter ne suit la mode du moment. Il est universel.